Il était une fois un objet fabriqué pour servir dans un usage bien précis, au service d’autrui.
Il est arrivé flambant neuf au milieu d’une famille qui, au lieu de l’utiliser pour ce pour quoi il a été créé et être en gratitude pour cela, chacun l’utilisa à sa façon, selon son bon vouloir, sans tenir compte des compétences et fragilités de l’objet en question.
L’un l’utilisa comme une balle et shoota dedans d’un pied vigoureux à plusieurs reprises, dans un éclat de rire de contentement de bas esprit.
L’autre l’envoya valser sans y faire attention, en trébuchant dessus, sans chercher à le ramasser pour le nettoyer et le ranger soigneusement.
Chacun le considéra comme un simple objet parfois amusant pour son propre compte, parfois encombrant, jusqu’à ce que les mauvais traitements le rendent totalement inutilisable et dénaturé à force de bosses et de creux infligés par les coups supportés, engendrant une effroyable difformité.
Il fut alors jeté, sans ménagement, dans les ordures jusqu’à se retrouver, après un transport chaotique, dans un charnier de détritus et de déchets dont personne ne voulait plus.
Il resta là un certain temps, ni vraiment vivant mais ni vraiment mort, dans un état d’entre deux, existant par essence mais invisible, oublié de tous.
Sur son charnier, il se sentait vide de sens mais étrangement en paix, libre d’être, tout simplement.
Libre mais vide de sens, car exister pour qui ? pour quoi ? Il n’avait aucune réponse à cela, alors il resta là, à vivre le moment présent, sans attendre quoi que ce soit, abandonné à lui-même.
Il se recroquevilla alors doucement et tourna son regard à l’intérieur de lui-même, l’extérieur étant désert de sens.
Il commença à se centrer sur ses émotions, douloureuses d’un premier abord, tant physiquement par les coups reçus, qu’émotionnellement, comme une déchirure, une brisure profonde que les coups avaient provoquée aussi bien sur l’enveloppe extérieure que sur la structure intérieure.
Il décida d’entrer au cœur de ses ressentis, de ces douleurs et malgré la souffrance insoutenable en les traversant, il réussit à aller au centre, au coeur et de découvrir un espace intact, lumineux.
Un espace qu’il ressentait comme sacré et si précieux qu’il en pleura de reconnaissance car il savait qu’il avait retrouvé sa substance essentielle, que rien ne pouvait dénaturée, juste, au pire, masquer dans l’illusion de l’abandon et de la séparation.
Non, son êtreté était bien là, et a toujours était là, au centre de lui-m’aime, enveloppé et précieusement sauvegardé dans l’Amour Inconditionnel et lumineux.
Il resta dans son univers intérieur, confortablement installé à se délecter de ces sensations d’Amour et de complétude.
Il n’avait besoin de rien d’autre que de rester là avec lui-m’aime.
Un jour, des mains le saisirent, non pas des mains brutales et ignorantes mais des mains douces, attentives, caressantes, des mains qui touchèrent chaque recoin comme pour rencontrer vraiment l’objet considéré et apprendre à le connaitre, à le jauger, sans le juger. Juste voir ce qu’il était possible de vivre dans cette rencontre.
L’objet fut soigneusement enveloppé et emporté dans un sac jusqu’à être arrivé à destination, à l’atelier du propriétaire des mains.
C’était un créateur, un artiste qui redonnait une seconde vie à des objets inutilisables dans leur fonction première.
Il manipula l’objet jusqu’à être satisfait de l’œuvre qu’il avait créée.
Il plaça alors l’objet dans une galerie, au milieu d’autres œuvres, des œuvres d’art, exposées pour ravir les yeux et le cœur des visiteurs.
Les visiteurs entrèrent, passèrent d’une œuvre à une autre, dont notre objet préféré.
Que c’était beau de voir leur regard s’illuminer devant les formes et couleurs exposées.
Les œuvres se sentirent tellement belles car observées comme telles, dans le regard du visiteur observateur qui recherchait au travers de ces objets amoureusement refaçonnés, sa propre beauté intérieure et la joie de la voir apparaitre dans le monde manifesté, comme un rappel évident que peu importe la forme extérieure, ce qui compte c’est le regard posé dessus et la rencontre/résonnance qu’elle suscite comme la manifestation de la pureté et la beauté de l’êtreté, pour chacun.
Et peu importe les coups reçus, les creux et les bosses de la difformité, tout est œuvre d’art pour qui sait observer et se rencontrer au travers de la forme manifestée.
Sandrine
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